Rien ne va plus dans le landerneau de la distribution digitale des hôtels. Si la France a déclaré la guerre au Covid-19 au printemps dernier, les hôteliers ont fait de même contre leurs principaux distributeurs à savoir Booking.com et Expedia. Nous vous révélons les pratiques pas toujours très chevaleresques des géants du numérique... Direction le Maroc.
Rédigé par Romain POMMIER le Jeudi 16 Juillet 2020 sur TourMag
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"Un hôtelier installé au Maroc nous a contactés pour nous dévoiler l'envers du décor. "Il y a eu des changements de règles de façon unilatérale, sans qu'aucun recours ne soit possible, c'est assez cocasse. Avec le virus, ils nous ont demandé d'assouplir nos règles de réservation," nous explique l'hôtelier préférant garder l'anonymat, par peur des représailles. Pour rendre la plateforme plus flexible aux yeux des voyageurs, les séjours deviennent tous remboursables et c'est aux hôteliers de s'affairer. Expedia : avec la mise en place des vouchers "ils étranglent les hôtels" "Ils nous ont dit que ce serait bien de proposer des vouchers, sauf que nous avons du faire toute la relation commerciale, même pour des billets non remboursables. Mais l'histoire de s'arrête pas là, car Expedia s'est permis d'émettre des vouchers sans rien nous demander," témoigne le professionnel. Etranglés par des charges fixes, des salariés et des protocoles sanitaires lourds, les hôteliers se retrouvent privés de l'argent de ces plateformes. En effet, le géant américain conserverait alors les réservations dans ses caisses et ne débloquera les montants qu'une fois le client à bon port, une mesure similaire à ce qu'il se passe dans la distribution touristique. "Ils étranglent les hôtels, car nous avons intérêt à mettre en place ces vouchers que si et seulement si nous avons la trésorerie, à l'image des compagnies aériennes ou des agences de voyages." Sauf que bien évidemment ce n'est pas le cas. Gérant alors la relation client les hôteliers se trouvent privés de liquidités, mais en plus se voient appliquer la commission de base à savoir 20%. Autre particularité de ces nouvelles pratiques : l'incapacité à joindre des responsables. "Un responsable local m'a alors communiqué un numéro pour que je puisse exposer mon problème, sauf que je tombe sur un centre d'appels avec des réponses automatisées et écrites." Une façon de décourager les moins téméraires et de noyer les plaintes, par des procédures interminables. Expedia vs Hôtels : "il y a clairement un abus de position dominante" Pour Jean-Baptiste Pieri, le patron de l'association des hôteliers du golfe d'Ajaccio ces menaces relèvent d'un autre temps. "Ce genre de pratique en France, je ne dis pas que c'est impossible, mais cela fait quelques années que nous n'en avons plus entendu parler. Sachant qu'ils sont sous enquête des autorités de la concurrence en Europe, je pense que cela relève plutôt du contexte marocain." Après être devenu indispensable pour l'ensemble du parc hôtelier mondial, ces plateformes maîtrisent d'une main de maître et de fer la distribution. "Ils augmentent leurs commissions régulièrement, pour dépasser maintenant les 20%. Ils parlent de nous comme des partenaires, pour nous appâter, puis une fois dans la machine, nous n'avons plus prise sur quoi que ce soit," se plaint l'hôtelier désabusé. Et alors qu'il est interdit contractuellement de communiquer sur le montant de la commission, pour ne pas faire de mauvaises publicités, Expedia n'hésiterait pas à proférer des menaces. "Si jamais vous n'acceptez pas les règles du jeu, ils nous font comprendre que nous allons passer derrière tous les autres établissements dans les requêtes clients. Ainsi, nous n'avons plus le choix que d'accepter les hausses de commission." Cette menace de reléguer l'hôtel dans les limbes du web mondial, n'est pas la seule mesure coercitive. "Sans nous le dire, ils peuvent afficher partout que l'hôtel est complet, donc décourager le client. Il y a clairement un abus de position dominante."
D'autant qu'en plus de dicter ses règles, les géants américain et néerlandais ponctionnerait 22% à chaque réservation, un taux qui ne cesse d'augmenter année après année. Alors que le taux d'occupation serait en recul de 20 à 25%, et atteindrait les 30% en prenant en compte le parc entier y compris les hôtels fermés, ces pratiques pourraient entraîner au purgatoire bon nombre d'établissements. Malgré les difficultés rencontrées par les deux parties, "à l'heure actuelle, les négociations sont rompues. Ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas payer n'auront pas de clients. Je pense que nous allons perdre un tiers des enseignes de l'hôtellerie," craint Laurent Duc, le président de la branche Hôtellerie de l'UMIH. " extraits publié par Romain Pommier Journaliste - TourMaG.com
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